Charles BAUDELAIRE – Lettre autographe signée

Charles BAUDELAIRE (1821 – 1867), poète français, a une relation toute particulière avec le monde des arts. En 1846, le jeune poète et critique déclare à propos de son mentor de vingt ans son aîné : «Monsieur Delacroix est décidément le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes», «un grand génie malade de génie». «Otez Delacroix, la grande chaîne de l’histoire est rompue et s’écroule à terre». Au salon de 1859, alors vilipendé par la critique, Baudelaire le défend : «L’imagination de Delacroix! (…) le ciel lui appartient, comme l’enfer, comme la guerre, comme l’Olympe, comme la volupté. Voilà bien le type du peintre-poète! (…) Il verse tour à tour sur ses toiles inspirées le sang, la lumière et les ténèbres.». Delacroix remercie son bienfaiteur : «Comment vous remercier dignement pour cette nouvelle preuve de votre amitié? (…) Vous me traitez comme on ne traite que les grands morts ; vous me faites rougir tout en me plaisant beaucoup.». Six ans après la mort du peintre, Baudelaire le compare à un «cratère de volcan artistement caché par des bouquets de fleurs».

Description

Lettre autographe signée « C. B. » au peintre Arthur Stevens. (Paris) 15 août 1863 ; 1 page in-8°.

Baudelaire organise son prochain départ en Belgique en fonction du jour des obsèques d’Eugène DELACROIX. Il a pour projet de visiter « les riches galeries particulières », d’y donner des conférences, de vendre des articles au journal « L’Indépendance belge », le grand quotidien bruxellois dirigé par Léon Bérardi, et de négocier sur place la publication de ses œuvres critiques, mais il n’a pas de quoi payer son voyage : « Mon cher Stevens, Je pars. J’eusse été heureux de vous voir aujourd’hui, et vous devinez pourquoi. Mon entretien avec M. Bérardi sera gêné et bizarre. Partirai-je demain matin, ou ne partirai-je qu’après-demain, après les obsèques de Delacroix ? Je n’en sais rien. Ce qu’il y a de bien décidé, c’est mon désir d’avoir une explication avec M. Bérardi. Si, pendant ce temps, vous avez une réponse du côté de votre ami, gardez-la pour moi, à moins que je ne vous écrive de Bruxelles… »
Lettre qui figure à la Correspondance (Pléiade), tome II, page 312

Baudelaire s’exile en Belgique espérant un nouveau départ, Paris lui pèse. Il a le secret espoir de pouvoir éditer l’intégralité des Fleurs du Mal dont quatre poèmes ont été retirés sur décision de justice pour outrage aux bonnes mœurs. Il a un besoin continuel d’argent depuis sa mise sous tutelle par son beau-père le général Aupick.
Pour sa première conférence à Bruxelles, Baudelaire prend pour sujet Eugène Delacroix dont il évoque la mort et enchaine sur la lecture de son étude « L’œuvre et la vie d’Eugène Delacroix ». Le compte rendu du journaliste Gustave Frédérix, critique à « L’Indépendance belge », lui est plutôt favorable. Malheureusement la suite des conférences n’a pas le public espéré, le Cercle artistique décide alors d’arrêter les frais. Baudelaire va de désillusion en désillusion, il inquiète et rebute, sa colère contre la Belgique se transforme en une aversion maladive.