Charles-Maurice de TALLEYRAND – Pièce manuscrite signée

Charles-Maurice de TALLEYRAND, prince de Bénévent (1754 – 1838), homme politique et diplomate français doit faire face aux récriminations des peuples étrangers intégrés à l’empire français.

Description

Pièce signée pour copie conforme en qualité de ministre des relations extérieures, intitulé « Pétition de la noblesse et des principaux citoyens de l’état de Lucques, au général en chef Murat à Milan ». Lucques, 7 octobre 1801 ; 3 pages ½ in-folio.

 

Victimes de la tyrannie et de la dilapidation des finances publiques, les habitants de l’état de Lucques demandent sans plus attendre un changement de gouvernance : « L’excès des maux sous lesquels gémit le malheureux pays de Lucques force les pétitionnaires à vous demander au nom de leurs citoyens quelque soulagement du désespoir auquel on est prêt à s’abandonner. L’oppression et la violence sont arrivées à leur comble ; tandis que dans toute la France et dans une grande partie de l’Italie on établit un système d’équité et que l’on employe que des honnêtes gens, n’y aurait-il que le petit état de Lucques ou des individus méprisés de tout le peuple exercent impunément sur noue la tyrannie la plus affreuse, qui en soit excepté ? Nous ne voulons pas vous importuner par le récit de toutes les vengences et des injustices que les gouvernants ont commises depuis leur installation ; mais ce qui a mis le comble à l’exécration générale, c’est leur conduite dernière à l’occasion d’une course de chevaux ; les soldats lucquois ayant tué un cheval que le cavalier ne pouvait pas arrêter dans sa fougue et commis des désordres, tout le peuple se récria contre leur indiscipline et leur brutalité. Le jour après on a mis aux arrêts plusieurs des premiers citoyens et il a fallu toute l’autorité du commissaire civil Delmer pour les délivrer. Il y a peu de jours qu’on emprisonna un des plus âgés et respectables citoyens de la ville, pour avoir écrit à son frère à Rome qu’on l’avait forcé à mettre tout son blé au magasin public et qu’il croyait cela injuste. Ce fut encore l’autorité française qui, convaincue de la fausseté du rapport qu’on avait fait, le délivra sur le champ. Mais les maux, général, auxquels ces mêmes autorités françaises de Lucques ne peuvent porter aucun remède, c’est l’épuisement totale des finances, l’aliénation de toutes les ressources de l’Etat, l’affreux gaspillage qu’on exerce tous les jours. Ce n’est pas pour fournir aux besoins de l’armée française, mais pour assouvir l’insatiable avidité qu’on les gouvernants de s’enrichir eux-mêmes et leurs satellites qu’ils exercent les violences les plus incroyables sur les propriétaires pour en tirer de l’argent. Nous vous dirons seulement, et vous êtes à portée de le faire vérifier, que les rentes ordinaires de l’Etat ne passaient pas 80,000 écus par an, et que le Gouvernement actuel porte la dépense à 280,000 écus. Cela vous paraîtra incroyable ; mais cela est vrai : c’est pour suppléer à cet énorme déficit qu’on nous force à payer les impositions ordinaires de quatre ans dans un seul payement ; c’est pour cela qu’on nous a chargé d’emprunts forcés et d’une nouvelle imposition d’un et demi pour cent par mois sur les rentes ». Aux vues de la situation jugée intenable, les pétitionnaires proposent une liste de douze noms pour former un gouvernement provisoire et de trois noms pour un comité de police. « Nul des citoyens ci-dessus désignés ne peut refuser d’accepter les fonctions dont il est question, sous peine d’une amende de mille écus, payable dans quarante huit heures et versable au trésor public. Nul ne pourra obtenir sa démission qu’après avoir exercé une fonction pendant deux mois. Aucun des membres ne pourra prétendre à aucune espèce de salaire, tous devant remplir leur fonction gratis (…) ».
La pétition est signée pour copie conforme par le commissaire civil Delmer et le ministre des relations extérieures Talleyrand.