George SAND – Lettre autographe signée

George SAND (1804 – 1876), écrivain français donne à révéler par cette lettre toute son immense générosité dans son soutien à son ami Patureau et son profond humanisme. Elle est fière de son ami qu’elle compare à Patience, le seul homme qui ose braver les Mauprat, famille de seigneur cruel. C’est un philosophe autodidacte qui passe pour sorcier et vit dans une tour en ruine. Mauprat est publié en 1837, c’est un conte philosophique sur fond de révolution française.

Description

Lettre autographe signée au préfet de Constantine Fortuné Lapaine. Nohant, 20 décembre 1861 ; 7 pages in-8°.

Longue et belle lettre de soutien à son ami Patureau que George Sand compare à un de ses personnages de roman, Patience, le philosophe qui ose braver la peur des Mauprat : « Mon excellement ami le colonel Ferri Pisani me fait lire votre lettre, comme il vous a fait lire la mienne. C’est le plus prompt moyen pour s’entendre mutuellement, encouragée par la bienveillance personnelle que vous voulu bien me témoigner. Je viens vous remercier non des généreuses intentions où vous êtes relativement à mon ami Patureau ; Ces intentions vous sont dictées par votre caractère – mais du plaisir que vous exprimez, de m’être agréable tout en obéissant à votre générosité naturelle. Je ne saurais trop réclamer votre intérêt pour ce colon aussi courageux qu’intelligent. Je l’avais en partie deviné, en effet, car je ne le connaissais pas encore, quand j’ai inventé le bonhomme Patience [Mauprat roman publier en 1837]. Il ne lui est pas inférieur comme imagination poëtique et comme sauvagerie de philosophe naïf. Son refus de prêter un serment quelconque rentre bien dans ses idées, mais la haine personnelle lui est inconnue, et la vengeance lui fait horreur. Jugez-le donc de plus haut que le point de vue politique, le quel n’a rien à faire dans la circonstance. Je l’ai grondé pourtant d’avoir commis cette imprudence : il pouvait refuser la fonction sans refuser exclusivement la formule. Il pouvait ensuite s’ouvrir à vous en particulier sur ses théories. Vous l’auriez compris et absous. Voici pourtant ce qui l’excuse et je tiens à vous le dire : il a été surpris, il ignorait absolument la communication qui allait lui être faite de sa nomination. Il n’a pas eu le tems de réfléchir, et tout aussitôt il a regretté la précipitation de sa réponse et la situation désagréable où il plaçait des fonctionnaires bienveillants pour lui, par une apparence d’ingratitude personnelle. Ceci vous explique la manière confiante avec laquelle il vous a parlé après l’incident. Si je ne craignais d’abuser de votre tems, je vous enverrais ses lettres, et vous y verriez que sous la république même, il n’est pas accepté les fonctions de maire qu’il a exercées, s’il ait fallu jurer quoi que ce soit il dit qu’un homme à qui l’on confit des devoirs et qui les accepte est offensé par l’exigence du serment : que si on ne croit pas en lui, on peut le laisser tranquille. – n’a-t-il pas raison au fond, comme ont toujours raison les gens qui puisent leur logique dans la nature ? Cela n’est pas pratique, mais c’est vrai. La concession que le prince [le prince Jérôme Bonaparte] a bien voulu lui accorder sur ma demande, est de 49 hectares et non de 100. Ce serait une raison de plus pour cultiver, mais il faut plus de fonds qu’il ne l’avait prévu, et il a dit accepter une régie dans l’espérance de gagner bientôt de quoi cultiver sa propre terre. En viendra-t-il à bout ? Ce n’est pas le courage et le savoir expérimental qui lui feront défaut. Mais le propriétaire de la ferme qu’il cultive aujourd’hui a fait en France de mauvaises affaires et je ne suis pas sans inquiétude pour Patureau et sa famille. Son fils est intelligent et courageux aussi. Sa bru est active et dévouée. Mais la fièvre les persécute et les médailles que leur envoient les sociétés agricoles de France ne les sauveront pas de la fatigue et des désastres. J’ignore absolument ce qu’il a l’intention de vous demander, et je le regrette, car je vous le demanderais aussi, mais quelque chose que ce soit, je compte sur votre bonté pour lui et pour quiconque, ayant une valeur réelle, eut servir avec fruit les intérêts de la colonisation. Pardonnez moi cette longue lettre, ou plutôt ce mémoire (…) Je ne sais si vous avez jeté les yeux sur son petit traité de la vigne [Culture de la vigne. Simples conseils d’un vigneron à ses confrères d’Algérie, Paris, 1861]. Il a été très remarqué ici. »
Lettre référencée dans la Correspondance Lubin, tome XVI, p.676-678