Georges CLEMENCEAU – Lettre autographe signée 1917

Georges CLEMENCEAU (1841 – 1929), journaliste et homme d’Etat français. Exceptionnelle lettre du futur père la victoire qui, avant d’être à la tête de la France, analyse l’état du pays pris dans la tourmente de la guerre et s’inquiète de l’arrivée du renfort tant espéré des américains

Description

Lettre autographe signée à André Tardieu, commissaire général aux affaires de guerre franco-américaines à Washington. Paris, 18 juin 1917 ; 4 pages in-8° sur son papier en-tête du Sénat. Enveloppe conservée

Lettre capitale dans laquelle Georges Clemenceau, alors président de la commission des affaires étrangères et de l’armée du Sénat, s’entretient avec André Tardieu, qui se trouve à Washington, afin de planifier l’arrivée des troupes et du matériel américains sur le théâtre des opérations françaises : « C’est bien aimable à vous d’avoir trouvé le temps de m’écrire. J’ai surtout été heureux d’apprendre que vous étiez arrivé à temps. Il est capital que votre travail se fasse en plein accord avec les anglais. Tout ce que vous me dites est excellent. En particulier l’arrangement relatif aux Ford qui doit donner de précieux résultats. S’il y a quelqu’un à harceler pour que l’affaire soit menée vivement, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Faites-vous quelque chose pour le charbon ? Il ne faut absolument pas qu’il y ait des difficultés quelconques à cet égard, au cours de l’hiver prochain. En attendant, on se donne beaucoup de mal pour faire des sottises et l’on n’y réussit que trop bien. Les droguistes nous ont une certaine tisane de violettes dont l’abus pourrait avoir les effets du poison…Phénomènes moraux de surface ennuyeux. Le fond inchangé. Il ne faut pourtant pas jouer avec ces choses. Il est bien fâcheux que (…) n’ait pas le courage du médicament. Depuis que l’homme existe il vit entre la sanction et la récompense. Il y a manquement des deux côtés, s’il plait au malade de se guérir tout seul, j’espère qu’on ne l’en empêchera pas. J’aimerais beaucoup que vous me parliez des effectifs américains. Des chiffres et des dates, voici ce qui me ferait plaisir. Je n’ai pas besoin de dire qu’il ne s’agit que d’approximations. Nous avons Pershing. À ce propos Viviani nous a servi dans les deux chambres une dilution de quasi Victor Hugo qui a eu beaucoup de succès auprès des huissiers. Comme Pershing nous regardait, j’ai eu la lâcheté d’applaudir. On n’est pas parfait. Je voudrais que Pershing ne fît pas parler de lui. L’action me suffirait. On nous annonce un corps américain pour je ne sais quel défilé au 14 juillet. Ce sera plutôt bon. Mais quand serons-nous délivrés des manifestations ? Bon courage à vous et bonnes amitiés… »

André Tardieu (1876-1945) est un homme d’état français. Il appartient au cercle des premiers fidèles de Georges Clemenceau. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert en 1914 au front, avant d’être appelé à l’état-major du général Foch. Il quitte cette fonction en 1915, avec l’accord du général, pour se consacrer à la politique. En avril 1917, il est nommé commissaire général aux affaires de guerre franco-américaines à Washington, mission qui a pour but de coordonner l’effort de guerre franco-américain. Après l’entrée des États-Unis dans la première guerre mondiale, il devient l’interface principal entre les deux pays dans le domaine militaro-industriel.

L’année 1917 marque un tournant capital dans le conflit militaire. En ce début d’année 1917 les troupes françaises ont le moral en berne, Pétain à remplacé le général Nivelle a qui l’on doit le cuisant échec du Chemin des Dames, et devient à son tour le général en chef de l’armée française. Il mate les mutineries par des exécutions sommaires et améliore les conditions de vie des soldats. Du côté allemand, le Kaiser Guillaume II pratique la guerre sous-marine à outrance dans le but d’asphyxier l’Angleterre pour la faire sortir du conflit. Mais ces attaques contre des navires militaires et civiles s’avèrent désastreuse et provoque l’entrée en guerre des Américains le 13 juin 1917, soit 5 jours avant la date de la lettre de Clemenceau qui s’inquiète de l’arrivée en hommes et en matériel des américains. Le général John Pershing est le commandant en chef du corps expéditionnaire, le capitaine George Patton, débarque à Boulogne-sur-Mer et la 1ère division d’infanterie américaine à Saint-Nazaire le 28 juin.