Marie-Jeanne RICCOBONI – Lettre autographe signée

Marie-Jeanne RICCOBONI (1713 – 1792), comédienne et romancière française, eut de beaux succès littéraires et fut reconnu comme une grande romancière par Diderot lui-même qui disait d’elle : « Cette femme écrit comme un ange, c’est un naturel, une pureté, une sensibilité, une élégance, qu’on ne saurait trop admirer »

Description

Lettre autographe signée au comte Tressan. Paris, 21 janvier 1782 ; 4 page in-8°

Belle lettre de Marie-Jeanne Riccoboni sur la littérature. Elle épousa Antoine-François Riccoboni, célèbre acteur et dramaturge de la comédie italienne. Son mariage l’orienta tout naturellement vers la carrière de comédienne qu’elle délaissera pour la littérature. Elle eut de beaux succès littéraires et fut reconnu comme une grande romancière par Diderot lui-même qui disait d’elle : « Cette femme écrit comme un ange, c’est un naturel, une pureté, une sensibilité, une élégance, qu’on ne saurait trop admirer ».
« Le présent que vous avez bien voulu me faire, Monsieur, est extrêment agréable : le plaisir de vous le devoir augmente encore son prix a mes yeux. O que vous obligez les personnes de goût en rassemblant vos charmants extraits ; comme on s’impatientait à les chercher dans ce fatras de volumes ou ils se cachaient. Nous les avons tous relus pendant l’automne, aussi bien qu’amadis, devenu sous votre plume le roman par excellence. Je ne vous demanderai point ou vous avez pris orson, c’est l’enfant de votre esprit et de votre cœur, mais que vous ayez donné tant d’intérêt, de grace, de gayeté a huon, le plus long, le plus insipide et le plus plat des contes bleus, c’est ce qu’on ne peut concevoir en parcourant l’original. Votre dissertation est parfaitement bien faite et me parait d’une grande justesse. L’histoire norvégienne touche émeut et porteroit a regreter les temps ou vous la placé. Il seroit doux d’habiter avec ces bons insulaires, si francs, si braves, si fidèles a leurs engagemens. La peinture d’une vie agreste ramene presque toujours nos idées vers un bonheur dont les grandes sociétés nous éloignent, elle éveille dans notre âme le desir du repos, de la paix, elle y fait renaitre l’amour de l’innocence, compagne de la simplicité. Des biens de conventions dédommageur ils (sont) de ceux que la nature nous offroit. Elle les donnoit à tous en corrigeant son plan nous n’avons pu imiter sa libéralité. Le partage inégal de ces biens créés pour notre imagination est un continuel obstacle a la félicité des humains. Si vos sauvages n’étoient point guerriers, j’aimerois a vivre avec eux. Mais je ne serois point du bataillon sacré. Je déteste la guerre et gémis tous les jours des maux dont elle est la source. Je connois le premier theatre de madame de Genlis et n’ai point encore vu celui d’où votre Selie est sans doute livrée. Nous commencerons a faire un roman qui doit être bien interessant et bien capable d’attache puis qu’il réunit l’esprit et le genie de deux auteurs les plus admirés et les plus dignes de l’être. Vous devriez bien, monsieur, engager madame de Genlis a donner au theatre sa rosiere en substituant au curé un autre personnage cette piece n’a besoin d’aucun changement. Je n’en connois point de mieux faite, de mieux dialoguée. Le naturel, la vérité, la naïve expression du cœur dont tous nos écrivains s’écartent aujourd’hui rend chaque scene de cette jolie comedie aussi touchante qu’agréable. Soyez juge, monsieur, d’un tort que mes amis ont voulu me donner. Je vous devais disaient-ils, un billet de félicitation sur votre entrée a l’accademie française. Obstinément j’ai soutenu le contraire et je le prétends encore. En vérité si l’on devoit complimenter quelqu’un dans cette occasion, c’étoit l’accademie et point du tout monsieur le comte de Tressan, si supérieur à la place qu’il vouloit bien remplir. Si vous ne me donnez pas raison je vous trouverai bien modeste ou je penserai que vous ne vous connoissez point assez. Je suis bien fâchée, monsieur, de vous savoir attaqué d’un mal aussi cruel que la goutte, et je souhaite bien sincèrement votre bonheur et votre santé. Ma compagne [son amie Thérèse qui l’accompagna jusqu’à la fin de sa vie] vous prie de recevoir ses remerciements, elle est très sensible au souvenir dont vous l’honorez et voudroit que vous donnassiez un livre tous les mois. C’est le souhait de tous ceux qui vous lisent… »