Description
Poème autographe « Ballade, légende de la chambre des demoiselles à Etretat ». S.l.n.d. ; 8 pages in-8° sur papier gaufré LM couronné. Papier un peu froissé, marque de plis, bords un peu effrangés, petites fentes, petit trou au centre du deuxième feuillet réparé, 4e page légèrement frottée.
Manuscrit de second jet présentant des corrections en huitième page.
Guy de Maupassant débute sa jeune carrière d’écrivain par la poésie, c’est sous l’influence de son ami et mentor Gustave Flaubert qu’il deviendra romancier.
Fort rare poème de jeunesse à propos d’une légende concernant une grotte aux falaises d’Etretat. Guy de Maupassant passe sa jeunesse dans le pays de Caux. En effet, ses parents se séparent alors qu’il est encore enfant. Sous la garde de sa mère Laure, il passe une jeunesse heureuse, avec son jeune frère Hervé, à Étretat dans la propriété des Verguies. Il a toutefois une scolarité chaotique passant du petit séminaire à Yvetot, d’où il se fait renvoyer en raison de vers jugés licencieux, au collège impérial de Rouen. Sa mère veille néanmoins sur son instruction, s’efforçant de lui faire partager son amour des livres tout en le laissant s’ébattre librement dans les champs et les bois, au bord des falaises, et flâner sur les ports où des marins l’emmènent parfois en mer.
Notre poème est une version primitive différente du texte publié. Il se compose d’une longue pièce de quatorze sizains, suivie d’une suite de treize sizains, l’avant-dernière strophe a été ajoutée dans une première version corrigée et biffée.
Version définitive telle que parue :
« Légende de la Chambre des Demoiselles à Étretat
Lentement le flot arrive
Sur la rive
Qu’il berce et flatte toujours.
C’est un triste chant d’automne
Monotone
Qui pleure après les beaux jours.
Sur la côte solitaire
Est une aire
Jetée au-dessus des eaux ;
Un étroit passage y mène,
Vrai domaine
Des mauves et des corbeaux.
C’est une grotte perdue,
Suspendue
Entre le ciel et les mers,
Une demeure ignorée
Séparée
Du reste de l’univers.
Jadis plus d’une gentille
Jeune fille
Y vint voir son amoureux ;
On dit que cette retraite
Si discrète
A caché bien des heureux.
On dit que le clair de lune
Vit plus d’une
Jouvencelle au cœur léger
Prendre le sentier rapide,
Intrépide
Insouciante au danger.
Mais comme un aigle tournoie
Sur sa proie,
Les guettait l’ange déchu,
Lui qui toujours laisse un crime
Où s’imprime
L’ongle de son pied fourchu.
Un soir près de la colline
Qui domine
Ce roc au front élancé,
Une fillette ingénue
Est venue
Attendant son fiancé.
Or celui qui perdit Eve,
Sur la grève
La suivit d’un pied joyeux ;
« Hymen, dit-il, vous invite,
« Venez vite,
« La belle fille aux doux yeux,
« Là-bas sur un lit de roses
« Tout écloses
« Vous attend le jeune Amour ;
« Pour accomplir ses mystères
« Solitaires
« Il a choisi cette tour. »
Elle était folle et légère,
L’étrangère,
Hélas, et n’entendit pas
Pleurer son ange fidèle,
Et près d’elle
Satan qui riait tout bas.
Car elle suivit son guide
Si perfide
Et par le sentier glissant.
Bat la rive
Mais lui, félon, de la cime,
Dans l’abîme
Il la jeta, – Dieu Puissant !
Son ombre pâle est restée
Tourmentée,
Veillant sur l’étroit chemin.
Sitôt que de cette roche
On approche
Elle étend sa blanche main.
Depuis qu’en ces lieux, maudite
Elle habite,
Aucun autre n’est tombé.
C’est ainsi qu’elle se venge
De l’archange
Auquel elle a succombé.
Allez la voir, Demoiselles,
Jouvencelles
Que mon récit attrista,
Car pour vous la renommée
L’a nommée
Cette grotte d’Étretat !
A son pied le flot arrive
Bat la rive
Qu’il berce et flatte toujours.
C’est un triste chant d’automne
Monotone
Qui pleure après les beaux jours. »