Joseph FOUCHE – Lettre autographe signée à Jérôme BONAPARTE

Joseph FOUCHE, duc d’Otrante (1759 – 1820), ministre d’Empire, suite à l’arrivée des bourbons à la tête de la France, Fouché se voit contraint à l’exile, condamné pour régicide. Il passera le reste de sa vie à défendre sa cause, illustrée de belle manière dans cette lettre adressée au frère de Napoléon.

Description

Lettre autographe signée à Jérôme BONAPARTE. Linz (Autriche), 3 août 1819 ; 2 pages 1/2 in-8°.

Superbe et longue lettre d’exil adressée au prince de Montfort, Jérôme Bonaparte, le plus jeune frère de Napoléon lui-même en exil avec son épouse auprès de son beau-père, le roi de Wurtemberg. Lettre où il est question principalement du regret de Fouché, alors qu’il était ministre de la police sous l’empire, de ne pas avoir laissé plus de liberté à la presse : « Monseigneur, Je prie votre Altesse Royale d’être bien persuadée que si elle eût passé par Linz pour retourner à Schonau [Allemagne], je n’aurais pas manqué de lui parler de mon entrevue avec MM. de Richelieu et Canning. Au reste Le Vrai Libéral du 19 juillet a imprimé une lettre de son correspondant de Lausanne qui en a déjà révélé l’objet. Ce correspondant, qui sait tout ce qui se passe, fait plus preuve d’érudition que de charité, en rappelant à cette occasion la conférence d’Octave, d’Antoine et de Lépide. Quoique je me permette de ne plus douter de rien, je ne puis cependant n’être pas étonné (phrase biffées)après avoir passé ma vie à défendre des proscrits, de me voir mis en ligue avec les proscripteurs. (phrase biffée) Il faut convenir que mes interlocuteurs ne méritent pas plus que moi ce titre odieux. C’est une admirable invention que les journaux ! Sans eux, vous auriez ignoré toute votre vie, peut-être ma conférence avec MM. De Richelieu et Canning. (phrase biffée) J’avoue que je suis un grand coupable d’avoir entravé la liberté de la presse ; si vous avez sous la main un bon confesseur qui se sente le courage de m’absoudre de tous les péchés que j’ai commis à ce sujet pendant dix ans de ministère, faites-moi le plaisir de me l’envoyer ; mais dites-lui que je ne me contente pas d’une absolution pour rire : j’en ai reçu beaucoup de ce genre qui ne m’empêche pas d’être exilé à Linz. Si je ne m’étais pas interdit toute critique, je demanderais pourquoi, lorsqu’il y a liberté d’imprimer tout ce qui passe par la tête, on est gêné quand il s’agit de se déplacer ? Croyez-vous que je n’ai pas osé demander à aller aux eaux de Bade, dans la crainte de trouver mon nom lié à une conspiration. (phrase biffée) Sans doute il y a de quoi être circonspect : ce n’est pas une chose peu sérieuse que l’état de l’Europe, on a soulevé les peuples au nom de la liberté ; ils ont renversé Napoléon, ils se croient le droit et la force de renverser encore. (phrase biffée) Je désire que ce soit un bon moyen de régulariser la crise (phrase biffée) que de lâcher la bride aux journaux. Il y a de l’audace à entreprendre de faire entrer leur liberté dans l’organisation du Pouvoir ; il y aura de l’habileté à la tourner au profit des trônes. A propos de conspiration, je suis très-aise de vous apprendre que son Altesse Royale la Princesse votre épouse à accaparé tous les cœurs à Carlsbad. Je sais qu’il y a des juifs qui se feraient chrétiens pour lui plaire, (phrase biffée) et il y a un chrétien de votre connaissance qui se ferait musulman. Il est vrai qu’on ne peut mieux prendre son temps, car les enfants de Mahomet viennent d’achever la conquête du Paradis terrestre. C’est une compensation que le destin leur devait, puisqu’ils ne peuvent pas espérer de jouir de celui des cieux, comme vous savez… »

Lettre figurant dans les Mémoires et correspondance du Roi Jérôme (Dentu 1866, VII, page 385)

Alors qu’il avait su anticiper jusqu’à présent tous les évènements politiques suite à la chute de l’empire, Fouché se voit contraint à l’exile, condamné pour régicide suite à la promulgation de la loi du 12 janvier 1816 à l’initiative du roi Louis XVIII, qui amnistie les soutiens de Napoléon durant les Cent-jours à l’exception des membres de sa famille et des députés qui ont voté la mort du roi Louis XVI et soutenu l’empereur. Fouché passe le reste de sa vie à se défendre de ses actes dans l’indifférence générale. Il meurt à Trieste le 26 décembre 1820 ayant pris soin de demander à Jérôme Bonaparte de brûler tous ses papiers compromettants.