Sacha GUITRY – Tapuscrit signé sur la ville de Grasse

Sacha GUITRY (1885 – 1957), comédien et dramaturge français

Description

Tapuscrit signé avec signes autographes, intitulé « Grasse ». S.l.n.d. ; 2 pages ½ in-4°
Bel hommage de Guitry à la ville de Grasse, ses fleurs et ses parfums :
« Oh ! Pourquoi Grasse – et non pas : Grâce ?
Et pourquoi : Nice – et non : Jolie ?
Anglophile, prononçons : Naïce !
Grasse, vous êtes la patrie des fleurs et le berceau de Fragonard.
Ne dites surtout pas : pure coïncidence.
Dieu sait bien ce qu’il fait.
Et s’il a dit à Fragonard :
-Tu naîtras là !
C’est parce qu’il voulait qu’il fût la Grâce même.
Or, Monsieur de Voltaire étant, lui, l’Ironie – Voltaire
et Fragonard sont la France en personnes.

Nulle autre part que chez vous, cette expression n’a mieux son sens :
-Je sors un peu pour respirer.

Fleurs aux noms ravissants : Primevère, Jasmin, Glycine, Chèvrefeuille…
Fleurs significatives : Immortelle, Pensée, Cinéraire – Coucou !
Vous, fleurs qui nous donnez des rimes richissimes, telle Ancolie : mélancolie.
Fleurs qui portez des noms extravagants, parfois : Thlaspi, Eschscholtizie !
Fleurs qui venez à notre secours : Digitale, Aconit
-et vous aussi Menthe et Verveine qu’on infuse.
Toi qu’on injecte, Belladone,
Et dont nous aimons les vertus,
Toi qui sauves – ou qui nous tues
Selon la dose qu’on nous donne.
Toi qui nous fais du mal : Absinthe.
Toi qui nous fais du bien : Pavot.
Et vous, qui vous vantez d’être Convolvulus – alors qu’en vérité vous êtes Liseron.
Et toi, Tilleul, vieux cachottier, qui ne dis pas que tu es hermaphrodite !
Toi qui réveilles en nous de récents souvenirs : Angraecum Sescuipédale – Fausto Coppi !
Toi, Lys, qui nous fais repasser notre Histoire de France.
Et toi, la Rose, toi, la Reine – toi qui nous en fait voir de toutes les couleurs et qui nous griffes jusqu’au sang – comme on t’adore !

Fleurs qui venez du bout du monde – en demandant ici qu’on vous naturalise…
Fleurs, parlez-nous – l’on vous écoute.

Si j’étais maître du destin qui n’est déjà fixé
Sans doute – j’irais mourir chez vous pour que vous m’embaumiez.

Sacha Guitry »