Description
Lettre signée « Voltaire » à Louis-Gaspard Fabry (?). Ferney 25 décembre 1775. 2 pages petit in-4°.
Belle lettre relative à l’édit pris par le contrôleur général des finances Turgot, libérant le pays de Gex de l’emprise de la Ferme générale pour le recouvrement de l’impôt dans les recettes royale, cette compagnie financière se faisait rémunérer souvent en pot-de-vin. Le destinataire est très probablement son ami et voisin, Louis-Gaspard Fabry (1720-1791), subdélégué de l’Intendance et maire de Gex.
Il lui fait parvenir une lettre reçue de M. Turgot concernant l’application de l’édit et l’instruit de l’action qu’il compte mener pour défendre l’édit à l’aube de ses 82 ans : « Vous verrez que j’ai insisté jusqu’au dernier moment avec une grande vivacité, sur la diminution des trente mille livres, et vous verrez que les fermiers généraux n’ont pas compté comme nous. Si vous aviez la bonté de m’instruire de la dernière délibération envoiée à Mr de Bacquencourt [Intendant du pays de Gex] je n’aurais pas fait depuis des démarches inutiles auprès de Mr le contrôleur général et de Mr Trudaine [Jacques Turgot et Philibert Trudaine de Montigny]. J’ai perdu toutes mes solicitations. On m’avait assuré que Messrs de Genève nous fesaient une libéralité de sel, et la chose ne se trouve pas vraie. La Gros et compagnie prétendent que Genève leur en donnera mille minots si Mr le controlleur général y consent. Je ne vois pas sur quoi cette prétention est fondée. Mais s’il était vrai que Lagros et compagnie pussent en effet nous fournir du sel à bas prix et se charge de paier nos trente mille livres, il me semble que la province aurait fait un très bon marché. Le temps presse. Il faut s’arranger. Vous savez, Monsieur, que si vous aviez quelques ordres à me donner je les exécuterais avec promptitude. Quand vous écrirez à Mr l’Intendant, je vous suplie de l’assurer de mon respect et de mon dévouement le plus sincère. J’ai l’honneur avec un attachement respectueux, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Voltaire ».
Jacques Turgot est contrôleur général des finances de 1774 à 1776. Durant ces deux courtes années il s’emploie à mettre en application le programme de réforme des physiocrates, pensée libérale influencée par l’économiste anglais Adam Smith. Il met en place un régime de diète pour contenir les dérives d’un Etat surendetté. Il fait des coupes sévères dans tous les ministères et souhaite une grande réforme de la ferme générale, mais se limite qu’à quelques restructurations. En 1776, avant sa chute, le déficit a nettement réduit.
Lettre de Voltaire à Turgot du 22 décembre 1775 en partie : « Mgr, vous avez d’autres affaires que celles du pays de Gex ; ainsi, je serai court. Quand je vous ai proposé de sauver les âmes de 60 fermiers généraux pour une aumône d’environ 5 000 livres, c’était bon marché, et c’était même contre mon intention que je vous adressais ma prière, parce que je crois fermement avec vous qu’il faut les damner pour leurs 30 000 livres. Quand je suis allé à nos États, malgré mon âge de 82 ans et ma faiblesse, ce n’a été que pour faire accepter purement et simplement vos bontés, sans aucune représentation. Si on en a fait depuis, pendant que je suis dans mon lit, j’en suis très innocent et de plus très fâché. Je ne me mêle que de ma petite colonie. Je fais bâtir plusieurs maisons de pierre de taille, que des étrangers, nouveaux sujets du Roi, habiteront ce printemps. Je défriche et j’améliore le plus mauvais terrain du Royaume. Je bénis en m’éveillant et en m’endormant, M. le duc de Sully-Turgot (…) »





