André BRETON – Lettre autographe signée

André BRETON (1896 – 1966), poète et écrivain français, il fonde la revue Littérature en 1919 avec la complicité de Philippe Soupault et Louis Aragon. Sous l’influence du mouvement zurichois dada et de son chef de fil Tristan Tzara, il publie en 1920 la première œuvre majeure du mouvement surréaliste, Les Champs magnétiques, principe de l’écriture automatique, pierre angulaire de l’école surréaliste qu’André Breton théorise dans son Manifeste du surréalisme en 1924.

Description

Lettre autographe signée à Francis Dumont. Antibes 13 mars 1948 ; 1 page ¼ in-4°
André Breton ne voit pas d’un très bon œil le projet de témoignage sur le Surréalisme qu’on lui soumet : « Confus de me laisser rappeler à l’ordre par télégramme. Je vous aurais répondu plus tôt s’il ne m’en avait pas tant coûté de vous décevoir. Vous pouvez préciser les quelques éléments biographiques qui vous manquent à mon sujet dans l’introduction de l’éditeur au « Surréalisme et la Peinture » (New York, Brentano’s). Il vous sera aisé d’en feuilleter un exemplaire dans quelques librairies du VIe. Tout a été dit là, sous mon contrôle. Naturellement, je suis ravi que l’établissement de cette page de Gavroche vous soit confié. En ce qui concerne le projet de La Gazette des Lettres, je m’y vois très mal tenir le rôle que vous m’assignez. « Un quart de siècle… », sans doute, mais c’est bien là la dernière commémoration à laquelle je puisse prendre part. Je n’éprouve aucun désir de me mesurer à cette occasion avec les « ex-surréalistes du C.N.E. » que vous croyez devoir consulter et dont je récuse par avance le témoignage. Ces messieurs m’offrent-ils jamais la discussion ? N’est-il pas parfaitement entendu que les armes mêmes dont ils font usage aussi bien contre d’autres que contre moi rendent dérisoire tout débat public duquel toute loyauté de leur part est écartée par définition. Par ailleurs, je suis las, je vous l’avoue, d’avoir à fixer à tout propos les perspectives de l’activité surréaliste dans un avenir plus ou moins proche. Je me suis suffisamment expliqué là-dessus dans les interviews du Littéraire, de Combat et de Paru. J’ai horreur de me redire et, plus encore, de paraitre plaider pour la viabilité d’une cause qui, sous cet angle, a déjà fait ses preuves. Il me semble que vous pourriez, avec beaucoup plus de profit, interroger les jeunes anarchistes, tels Sarane Alexandrian (G R. Borinod, XVIII), Claude Tarnaud (9 impasse de l’enfant Jésus XV), Alain Jouffroy (10 av Ducis (Malmaison), Jean-Louis Bédouin (24 qui du Louvre 1er), Gaston Puel (17 r. de la Berchère, Albi). Voilà qui aurait chance d’apporter du nouveau. Et aussi, naturellement, Henri Pastoureau (26, r. des Plantes, XIV), Pierre Mabille (34 r. Raynouard XVI), Victor Brauner (2bis, Perrel, XIV). C’est la confrontation de leurs points de vue qui peut permettre de dégager la résultante du surréalisme en avant. Je vous assure que cela serait beaucoup moins vain que d’espérer obtenir une déclaration de Picasso, par exemple, qui s’est refusé toute sa vie à des déclarations de ce genre et de qui je n’aurais certes pas envie de solliciter. Vous savez mon cher Ami, que j’ai la plus vive estime et une grande sympathie personnelle pour vous. Je désire vivement vous être agréable mais il faut tout de même que les démarches aux quelles vous me conviez m’agréent aussi. Autant je verrais d’intérêt à la réunion de témoignages probes et significatifs touchant le surréalisme, autant j’ai tendance à me détourner de tout ce qui peut être jeté en hâte et sans sérieux efforts d’information, de documentation et de synthèse à la curiosité déjà si blasée du public… »