Description
Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais. (Fort d’Ivry), 15 novembre 1938 ; 4 pages in-8°.
Superbe lettre d’amour de François Mitterrand, alors jeune bidasse au Fort d’Ivry, qui s’épand sur sa passion amoureuse avec sa jeune fiancée et se projette dans sa future vie d’homme marié : «Ma fiancée chérie, Pardonnez moi si je ne suis guère bavard ce n’est pas que je n’aie rien à vous dire ! Mais je suis recru de fatigue et me traine depuis ce matin. Si mon humeur externe s’en ressent, l’intérieure ne bouge pas ! Et je vous aime tout autant. Ma bien-aimée, je me fais une telle joie de vous voir ! Hier j’étais en colère contre moi-même d’avoir accepté de ne pas vous rencontrer. Une occasion perdue me coûte trop. Et ne je ne suis pas disposé à renoncer à quoi que ce soit. Quand je ne vous dis rien et que j’arbore un air fermé comprenez que cela ne touche en rien l’amour que j’ai pour vous. Mais je vous l’ai avoué, je suis assez lunatique ! Je vous rendrai la vie bien difficile, ma chérie ! Et pourtant, il existe un remède : votre sourire. Je vous promets qu’avec une telle arme vous pouvez tout pour et contre moi ! Et j’espère que vous l’emploierez toujours. Ma toute petite fille que j’adore je pense chaque jour davantage à l’avenir qu’il nous faut construire. Côté matériel et côté spirituel. Et je sais que je vous aime tellement que je ne pourrai faire autrement qu’être heureux avec vous. C’est bien ennuyeux d’être ainsi condamné au bonheur ! Et puis le temps passe vite ! Les moments que je passe près de vous, ma fiancée, sont si rapides, mais le souvenir qu’ils laissent en moi est si tenace que l’équilibre s’établit facilement avec les moments où je souffre d’être loin de vous mais qui s’oublient si joyeusement ! Je vis déjà avec vous, en esprit, perpétuellement. Ma pensée se relie continuellement au dernier instant vécu tout contre vous, et à l’instant prochain où de nouveau je vous presserai contre moi. Ma bien aimé quelle somme de bonheur je vous dois ! Vous m’avez appris à croire en tout ce que j’aime. Mon bien le plus précieux vous ne pouvez imaginer l’acharnement la patience et la volonté que je mettrai à vous garder bien à moi. Je ne pourrais créer en esprit une vie où vous n’auriez pas la première place, et même toute la place, sans effroi ! Aussi ma force est grande maintenant que je suis sûr de vous avoir avec moi. D’éprouver les mêmes joies et les mêmes peines que vous. Ma Marie-Louise, je vous promets que jamais vous n’aurez à regretter votre parole et votre don. Nous devons à nous deux vivre en beauté. Vous savez que je ne trace pas de démarcation entre le présent et le futur. Quand vous serez ma femme, tout ne sera pas fini. Il nous faudra encore goûter la vie telle qu’elle est : elle, qui ne s’arrête pas. Mais vous et moi, comment pourrions-nous cesser de nous aimer, et de vivre l’un pour l’autre ? Ma chérie, tout à l’heure je vais vous retrouver, et j’attends ce moment avec impatience. Ah, les mots ne suffisent pas à exprimer le besoin que j’ai de vous, le désir que j’ai de reconnaitre ma pèche presque mure ! Quand vous aurez lu cette lettre vous penserez au moins une minute à moi, et vous me répondrez, j’attendrai demain cette réponse. Vous m’y écrirez que vous m’aimez. Et puis, quoiqu’il arrive, sachez que notre amour est indestructible. Les liens sont noués : aucune main ne peut les séparer. Nous accepterons tout ennuie avec le sourire. Certains, que nous sommes de nous. Une seule fausse note eut peut-être suffi à détruire notre amour : mais elle n’existe pas. Et c’est pourquoi je puis vous dire que je vous adore. François »
Catherine Langeais (1923 – 1998), née Marie-Louise Terrasse, speakerine la plus populaire de la télévision française de 1949 à 1975, rencontre François Mitterrand le 28 janvier 1938, lors du bal de l’école normale supérieure, alors qu’elle n’a que 14 ans. Le coup de foudre est immédiat, mais malgré la différence d’âge, Mitterrand est de 7 ans son aîné, ils décident de se fiancer. Le service militaire au Fort d’Ivry, puis la guerre mettent de la distance, pour autant, Mitterrand écrit plus de 200 lettres passionnées à sa chère Zou. Loin des yeux loin du cœur, leur amour s’étiole malgré les 80 lettres envoyées par son fiancé désemparé. Le cœur de Marie-Louise s’embrase pour un comte polonais qu’elle finira par épouser, Mitterrand, quant à lui, convolera en 1944 avec la jeune résistante Danielle Gouze, rencontrée pendant la guerre.