Description
Lettre autographe signée à l’écrivain et critique d’art Armand Dayot. Antibes, Pointe Bacon, 14 décembre 1916 ; 3 pages in-folio sur papier en-tête de la Société des Artistes Indépendants, avec son enveloppe.
Belle lettre de Signac réfléchissant à la meilleure collaboration possible entre le peintre et le tapissier pour la réalisation d’une œuvre en hommage à Marseille : « Ne croyez pas surtout que j’ai oublié le travail que vous avez bien voulu me demander et que ce soit par négligence ou désinvolture que je ne vous aie encore rien présenté. C’eut été d’ailleurs manquer à l’amitié que j’ai pour vous, et vous me connaissez assez pour ne pas m’accuser de cette faute. Je n’ai pas cessé de penser à ce travail – j’ai pris tous mes documents pour exécuter ce panneau « Marseille ». J’ai dessiné poissons, coquillages, fruite, fleurs de Provence pour encadrer le motif central, dont j’ai cherché longuement la composition. Ce qui m’a arrêté c’est la réalisation. Comme je crois vous l’avoir dit, il me semble illogique de vous soumettre un panneau que vos artistes n’auraient qu’à copier ; et nous obtiendrons un bien meilleur résultat, s’ils pouvaient l’interpréter avec les merveilleuses ressources – bien supérieures aux miennes – de couleurs, dont ils disposent. Exemple : Je veux une belle orange. Je peins ce fruit, sur mon carton, avec trente touches de jaune, de citron et de jaune – pour obtenir le plus de couleur possible (supériorité de la division sur la teinte plate-) Mais chacune de ces touches de matière pâteuse est elle-même plate. Tandis que dans chacune de ces touches, vos artistes pourraient par leurs points introduire encore une quantité de variété d’éléments qui embellirait chacune de ces touches, l’ensemble donnera une magnificence qui ne pourrait être obtenue par la copie exacte de nos touches de couleurs. Et comme ce serait beau et juste cette collaboration du peintre et du tapissier. Voilà les scrupules qui me troublent et m’arrêtent, mon cher ami : le désir du mieux, que vous ne blâmez pas, n’est-ce pas ? Donnez moi, je vous prie, un conseil, et je ferai exactement ce que vous m’indiquerez. Et croyez que de tout cœur, je veux répondre à votre geste généreux et audacieux, en faisant une œuvre digne de nous deux – et de notre cher pays. C’est le meilleur moyen que j’aie de lui prouver mon amour, et à vous, ma reconnaissance et mon amitié… »